"Un des plus gros gangs du pays démantelé"

Affaire de "LA BANDE DE MARIGNANE"

La visite d'un ministre de l'Intérieur est rarement désintéressée politiquement, c'est souvent un coup de billard à deux voire trois bandes. Surtout à "Marseille la rebelle", un laboratoire de la sécurité pour chaque gouvernement qui tente de la dompter depuis une bonne décennie. La sincérité des félicitations adressées par Christophe Castaner et Laurent Nufiez aux enquêteurs de la police judiciaire n'est pas ici remise en cause - "quand j'ai appris ce coup de filet j'étais satisfait et Laurent (ancien préfet de police des Bdr, Ndlr) était carrément fier!" confiait le ministre- mais au-delà du démantèlement de cette bande de Marignane, "l'un des plus gros gangs du pays" selon le locataire de Beauvau, c'est d'une "méthode marseillaise" dont le duo fait, depuis des mois, la promotion.

 

Avec à l'horizon une refonte de la lutte contre les narcotrafiquants dans tout le pays, passant par la probable suppression de l'Ocrtis (Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants) secoué par plusieurs "affaires", et la création prochaine d'un Office central antidrogue (Ocad) qui s'inspirera, selon nos informations, notamment des deux concepts qui prospèrent à  Marseille : "la méthode proactive", qui vise à mettre hors d'état de nuire, avant qu'elles ne (re) passent à l'action, des bandes dangereuses par tous les moyens légaux possibles - souvent par le biais de l'association de malfaiteurs plutôt "rémunératrice" en termes de peines de prison prononcées par 7^e chambre correctionnelle et moins risquée qu'un procès d'assises pour assassinat - et le "pilotage renforcé", le nom de ce concept qui, depuis 2015, impose à tous les enquêteurs des Stups - des brigades spécialisées de terrain jusqu'aux fins limiers de la PJ en passant par ceux de la Sûreté départementale mais aussi ceux de la Douane et de la Police aux frontières - de partager leurs informations. Une manière de travailler inimaginable il y a encore quelques années tant les "guéguerres" entre services faisaient rage... L'arrestation cette semaine de 11 membres présumés de ce "clan de Marignane" est d'ailleurs due à un travail acharné d'une quarantaine d'enquêteurs de la PJ, depuis dix mois, mais aussi à diverses informations livrées par leurs collègues de la Sûreté départementale.

Hier, sept de ces suspects, âgés de 20 à 32 ans, ont été déférés à la justice puis mis en examen pour "association de malfaiteurs en bande organisée" et écroués. " Des véhicules de guerre, des armes, des munitions et du matériel comme des téléphones PGP cryptés montrent le niveau d'organisation et de criminalité élevé de cette équipe", attestait le procureur de la République de Marseille, Xavier Tarabeux.

Huit armes dans un box à Aix-en-Provence

Selon nos informations, il leur est, a minima pour l'heure, reproché l'impressionnante opération intimidation perpétrée le 24 mars dernier au cœur de la cité de La Bricarde (151, où des dizaines de rafales de kalachnikov avaient été tirées en l'air, ainsi qu'un autre coup de force du même genre à Berre-l'Étang, quelques jours plus tard. "ils ont un temps étaient au service du clan Remadnia, mais depuis que cette équipe a été décimée, les Marignanais avaient pris le leadership dans le secteur", analysait un spécialiste. "En 2018, on a eu 23 règlements de comptes et une bonne partie leur serait imputable", assurait le préfet de police, Olivier de Mazières. Un macabre bilan notamment dû à une effroyable guerre interne.

Selon nos sources, la PJ a découvert mercredi dans un box conspiratif perquisitionné à Aix un arsenal de huit armes - deux armes de poing, une kalachnikov, un fusil d'assaut et quatre fusils à pompe. " C'est un dossier lourd et complexe sur lequel nous avons beaucoup investi en travail et en compétences, concluait le patron de la PJ, Éric Arella. En moyenne, 30% des règlements de comptes en France se passent dans les Bouches-du-Rhône, c'est donc notre priorité. Nous attaquons ces équipes par tous les biais possibles et c'est ce qui nous a aussi permis de déjouer 22 assassinats depuis 2016."

Romain CAPDEPON