Another Beer, ou l'autre façon de faire honneur au mot tradition

L 'histoire peut paraître banale pour certains. La mise sur le marché d'une nouvelle bière artisanale. Sauf que celle-ci faire rimer l'authenticité avec le respect des traditions ancestrales.

Et pour preuve, à l'abri des regards, dans son garage reconverti un temps en studio d'enregistrement et aujourd'hui en laboratoire, Gilles, Marignanais de 43 ans, épicurien et curieux comme pas deux, agent commercial en vins et champagnes dans le civil pour des caves et restaurants, a décidé de pousser la curiosité à son paroxysme en lançant sa propre bière. "L'idée m'est venue il y a quelque temps déjà. Amateur de bière et de boissons en général au vu de mon métier, j'ai voulu faire un pied de nez aux industriels qui nous vendent certains produits de piètre qualité en créant cette fois mon propre produit. Comme je ne fais jamais rien par hasard, j'ai donc débuté par me documenter sur l'historique de la bière, ses origines et ses différentes composantes", avoue le passionné.

Tests et origine ancestrale  

Au fil des infos qu'il glane dans ses recherches, Gilles se passionne, analyse le moindre détail historique. La façon de créer au gré des civilisations en passant par l'analyse chimique du houblon et autre composante selon les cultures. "J'y suis allé à fond. L'objectif était avant tout de faire une brasserie artisanale et authentique en respectant le produit, le plus important pour moi. J'ai dégusté pas moins de 400 bières. J'adore apprendre donc j'ai mis le nez dans l'Histoire. Celle des Égyptiens m'a captivé. Ils faisaient des bières de pains. Ces deux éléments étaient les composants essentiels du repas. Je me suis appuyé sur cette histoire pour en faire une synthèse et créer la mienne, "avance Gilles.

Le créateur s'investit alors dans le test d'une méthode de fabrication basé sur le type de bière IPA pour India Pale Ale. Un style de bière à fermentation haute d'origine anglaise datant du XVIII^e siècle où la bière des colons supportait mal les traversées en mer. On y rajoutait alors du sucre et du houblon pour garantir un meilleur produit.

Après de multiples tests et formules, Gilles trouve alors son accord. " 6,5 degrés, une haute fermentation, de l'amertume, de l'aromatique, de la puissance. Quelque chose d'atypique en fait mais qui me correspond surtout. Pas de bière brune car cela ne colle pas à notre région où on préfère boire un produit frais vu la chaleur, pas de blonde non plus. C'est surtout du ressenti. Une bière de repas avec de l'amertume qui se déguste comme du vin. On l'ouvre cinq minutes avant de la boire en la versant dans un verre", avoue-t-il avec l’œil vif et une fierté non dissimulée.

40 heures de travail

C'est que l'agent commercial y est allé de son investissement personnel pour fabriquer son élixir. Avec "l'envie de bien faire avant tout chose avec un produit sain" rappelle-t-il. Il a investi dans du matériel professionnel venant tout droit d'Italie. "Une qualité unique. Avec mon feu par exemple, je peux aussi faire un repas pour 1 000 personnes."

Mais derrière le matériel entreposé, c'est surtout le géo trouve tout qui s'affaire à créer les recettes uniques pouvant aller jusqu'à 12 heures de travail par jour le temps de chauffer, faire mijoter, mélanger et nettoyer la cuve de 300L donnant 200L de produit noble. 40 heures de travail au total pour une bonbonne. "Je me suis inspiré de mes voyages pour réaliser un travail artisanal." Une casserole, une louche, un traversin et beaucoup d'envie plus tard la bière made in Gilles, estampillée " La petite Marignanaise" pointe le bout de son nez. "On brasse tout à la main. C'est une méthode, une volonté vraiment de notre part d'agir comme ça. La bière n'est pas pasteurisée. Pas de filtre, dans la plus pure tradidon. Mon but, c'est vraiment de défendre l'artisanat."

Un travail d'orfèvre dont lui seul a le secret d'une recette bien gardée. Une recette qui a pourtant déjà trouvé preneur. En effet, depuis le confinement, les commandes fusent dans un réseau de privilégiés assez vaste.

Sur Marignane déjà avec Marignane Inter Caves ou l'Art de la Bière mais les communes voisines ne sont pas en reste. 12 et demi à Pélissanne, Domaines et Terroirs à Martigues, Prado Gourmand à Marseille ou Inter Caves à Plan-de-Campagne. Des enseignes qui ont pignon sur rue. Épiceries fines, restaurants ou cavistes et qui pourraient faire rentrer "La petite Marignanaise" dans une autre dimension. Mais Gilles prévient. "On n'est pas là que pour faire de l'argent, ce n'est pas l'essentiel. Ce que l'on souhaite, c'est de revenir aux sources. Proposer un produit local, de qualité. Montrer un vrai savoir-faire tout en se réinventant autour des mêmes valeurs. On continuera à brasser à la main même si on nous rachète un jour !" sourit-il.

Matthieu BIGOUROUX

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AMBITIONS ET LIMONADE

Raconter une histoire à travers une bière sans trahir une certaine vision de l'artisanat, c'est le challenge de Gilles qui a mis en bouteille 1 000 canettes l'année dernière. Aujourd'hui, il peut en produire 16 000 par an si la demande est là et même si la Covid-19 lui a coupé l'herbe sous le pied.

Avec ses frères pour gérer la manutention et les autres membres de sa famille pour accompagner son business plan, Gilles a décidément créé une bière pas comme les autres.

Ça tombe bien, Another Beer compte bien s'affranchir des clichés pour garantir son authenticité à petit prix. Et la petite sœur arrive bientôt avec une limonade 100% maison et locale. On ne change pas une équipe qui gagne...