Le couvre-feu entre en scène

Les policiers municipaux de la ville ont patrouillé la nuit dernière. Récit 

Sur la place de l'hôtel de ville de Marignane, un panneau lumineux informe la population (dans ce cas-là personne, puisque chacun est censé rester confiné chez soi) des gestes barrières pour éviter de propager le Covid-19. Une alerte d'une application d'un quotidien vient déchirer le silence parfait qui règne devant la mairie: c'est le nouveau bilan des morts du coronavirus à 19 h 15. 860 morts en France, 186 depuis dimanche soir. Quel rapport avec Marignane? La ville, comme de nombreuses autres en Paca (voir infographie par ailleurs), a mis en place un couvre-feu par arrêté municipal

"Ça touche aux libertés individuelles, consent Main Rogiers, directeur sécurité de la municipalité de Marignane, à la tête de 35 policiers. Dans un autre contexte, ça ne passerait pas, mais là... La semaine dernière il faisait beau, c'était les vacances quoi. Certains ont fait un barbecue, d'autres jouaient au ballon, pas très conscients du problème."

Loin de l'état de guerre proclamé par le président Macron dans son allocution télévisée lundi dernier. À 20 h, alors que le premier ministre Édouard Philippe s'exprimait sur TF1, Alain Rogiers lance la sirène du couvre-feu ; il est l'heure de monter en voiture pour une heure de patrouille avec lui et Olivier Atzeni, chef de service responsable du poste de police municipale.

"On a pris de nouvelles habitudes, explique ce dernier. On désinfecte notamment tout le véhicule, il ne faut absolument pas que le policier soit un vecteur du virus." Dès les premiers tours de roues, le constat est sans appel, il n'y a personne, ou presque. Deux sportifs du lundi soir se promènent sur la route du Jaï: Olivier Atzeni fait demi-tour et Alain Rogiers met le gyrophare. Malgré le masque devant la bouche en plus des gants en plastique, on reste agents de la paix avant tout.

En une heure, à peine trois piétons et six voitures seront interpellés - et non pas verbalisés, le choix ayant été fait à Marignane de privilégier la prévention les deux premiers soirs - et presque tous les badauds apprenaient le couvre-feu de la bouche (avec un mètre de distanciation sociale tout de même) des policiers.

"On n'était pas au courant mais on respectera ça, ce n'est pas compliqué", disent les deux hommes, l'air contrit. Même discours en substance pour un homme seul garé le long de l'étang dans sa sombre berline allemande, qui avait décidé de prendre la poudre d'escampette à cause d'une dispute avec sa compagne. De quoi rappeler que les couples en difficulté sont des victimes collatérales du coronavirus.

Seront également apostrophés un livreur de sushis (qui n'est désormais plus autorisé à desservir ses clients marignanais après 20 h), une infirmière, plusieurs agents : un de l'APHM, un qui travaille dans la sécurité, ou un employé par la RTM. Sourire franc de l'homme d'âge mûr aux policiers: "Je suis au courant, ne vous inquiétez pas, quand je serai de repos je resterai discipliné."

Preuve que le message d'une simplicité enfantine ("Restez chez vous!") est peut-être enfin passé pour une bonne partie des Français. Pas pour tous: à deux pas de la mairie, alors que nous venons de quitter les agents municipaux, quatre "jeunes" comme les appelle le premier édile de la ville (lire ci-dessous), équipés de masques et de gants, fument une cigarette dans le calme. L'histoire ne dit pas s'ils rencontreront plus tard dans la soirée ou dans la semaine les policiers municipaux de Marignane.

Ludovic FERRO Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.


 

 

L'INTERVIEW D'ÉRIC LE DISSES MAIRE SANS ÉTIQUETTE DE MARIGNANE

"On ne peut pas me reprocher de forcer les gens à rentrer chez eux"

  • Pourquoi avoir décidé d'instaurer ce couvre-feu ?

Tout simplement parce que le confinement n'est pas respecté et pour permettre à la police municipale de verbaliser...

  • Les gens dehors sans attestation de déplacement dérogatoire étaient déjà "verbalisables"...

C'est beaucoup plus facile quand il y a le couvre-feu, déjà les gens sont informés qu'ils ne doivent pas être dehors, mais c'est surtout pour les jeunes qui se regroupent sur les parkings, qui jouent, qui chantent et boivent un coup... Avec le couvre-feu, les policiers ne se perdront pas en discussions et en explications. En substance : "Il y a un couvre-feu, vous devez partir et rentrer chez vous. Si vous revenez on vous met une amende". Avec le décret urgence sanitaire (instauré à l'échelle nationale), les policiers municipaux peuvent désormais verbaliser, ce qui vient en complément du couvre-feu municipal.

  • Vous avez beaucoup de remontées de terrain concernant ces attroupements ?

Si j'instaure le couvre-feu, c'est que oui !

  • Vous insistez sur les jeunes... Il n'y a donc exclusivement que des "jeunes" qui ne respectent pas les consignes de confinement ?

En priorité ce sont des jeunes oui, il n'y a pas de personnes âgées dehors, ou très peu.

  • Vous évoquez dans votre communiqué des "risques de pillage de commerces"...

C'est de la prévention. On sait très bien que lorsqu'il n'y a personne dans les rues, les malfrats en profitent pour cambrioler. Et même si on a une centaine de caméras à Marignane, la police municipale ou nationale ne peut pas être partout...

  • Avez-vous pris cette décision en concertation avec la préfecture ?

Non, on envoie au contrôle de légalité l'arrêté et puis c'est tout. Il y a beaucoup de départements, de régions, où les préfets ont décrété eux-mêmes le couvre-feu, comme à Nice (les Alpes-Maritimes sont pour le moment le seul département où il y a un couvre-feu désigné par arrêté préfectoral). Il n'y a pas de raisons qu'on ne puisse pas le faire nous au niveau local. Je le fais par anticipation et très honnêtement, pour que tout soit bien appliqué il aurait fallu le faire au niveau national, depuis plus d'une semaine d'ailleurs.

  • Selon le ministère de l'Intérieur, les couvre-feux sanitaires sont de la seule compétence des préfectures. Il y a un risque d'annulation de votre arrêté*...

Vous voulez que je vous dise ma pensée profonde? La France n'a pas été à la hauteur de l'événement. Les maires qui sont sur le terrain voient beaucoup mieux ce qui se passe, ils ne jouent pas à dire "c'est légal, c'est pas légal", ils anticipent ce qui va arriver. Si on nous avait laissé faire, on l'aurait fait depuis un moment. Je vais vous dire: légal ou pas légal on s'en fout, ce n'est pas un problème. Il faut agir. On ne peut pas me reprocher de forcer les gens à rentrer chez eux par tous les moyens.

  • II y a à peine 9 jours, les gens sont allés voter. Aujourd'hui on instaure des couvre-feux pour empêcher les regroupements. N'y a-t-il pas un problème de cohérence ?

On voit arriver un nombre extraordinaire de contaminés et on tâtonne. Nous, on prend nos décisions. Au plus les gens vont rester confinés, au plus la fin du confinement sera proche. Ceux qui sont dehors vont contaminer ceux qui ne l'auraient pas été dans trois semaines.

L.F.


• Le premier ministre Edouard Philippe a déclaré à 20 h que les mairies étaient désormais habilitées à prendre des mesures de couvre-feux sanitaires.

Ludovic FERRO la Provence - mardi 24 mars 2020
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