Féminicide de l'Estéou, entre colère et incompréhension

Le meurtre de Chloé, future maman tuée par son ex-compagnon, a suscité une vive émotion dans le quartier mais aussi sur internet où un grand élan de générosité a été lancé pour soutenir sa famille

Hier matin, le quartier de l'Estou, à Marignane, avait quelque peu retrouvé le silence et le calme du quotidien. En apparence seulement. Car l'atmosphère était en réalité pesante, jusqu'à plusieurs blocs de là. Comme un révélateur de la situation qui s'y est jouée, en quelques secondes, la veille au niveau de la rue du Marquis de Condorcet. Une zone pavillonnaire, a priori, sans histoire mais où un dimanche après-midi s'est terminé de façon tragique. Un (nouveau) destin brisé de façon inattendue. Une énième vie volée sans prévenir. Une existence à jamais rompue pour une femme. Chloé.

Une relation compliquée?

Une trentenaire, marignanaise, provençale, pleine de projets et surtout future maman d'une petite-fille qui devait voir le jour au mois de septembre. Une énième victime de la violence des hommes. De celle de son ancien compagnon, Ibrahima. Reconverti, encore une fois, malheureusement, comme d'habitude et beaucoup trop souvent depuis des années à travers toute la France, en bourreau. En décideur autoproclamé d'une sentence irrémédiable, celle dictée par la jalousie, le mal-être.

Tout s'est joué en quelques secondes comme souvent et hier encore, derrière chaque portail poussé, derrière chaque sonnette actionnée, derrière chaque regard porté derrière un mur ou une palissade, les volets sont restés baissés, les fenêtres fermées et les mots et témoignages distillés au compte-gouttes car c'était bel et bien le choc qui prévalait en réalité après l'effroi, le drame, l'horrible, l'incompréhensible.

Ghislaine, habitante de la rue et témoin malgré elle de l'horreur, a été une des premières à être sur place, et raconte. "En réalité, j'ai entendu plusieurs détonations. Je n'ai pas compris toute de suite que c'était des coups de feu. J'ai pensé à un accident. Je suis immédiatement sortie sur ma terrasse pour voir si ce n'était pas ma voiture garée qui avait subi un choc. Et là j'ai vu Chloé pleine de sang, notamment à la tête, au volant de sa voiture. Elle venait de percuter mon mur. Il y a eu beaucoup de bruit ensuite, tout le monde est alors sorti, tout le monde a accouru et du coup tout s'est passé très vite. On n'a pas compris qu'elle s'était faite tirer dessus en fait", explique la voisine encore sous le choc. Si la situation est confuse, c'est parce que le drame s'est déroulé en deux temps.

Une dispute comme point de départ

Alors que Chloé ne vit plus avec Ibrahima depuis au moins 6 ans, les liens ne sont pas pour autant rompus entre les deux individus qui ont eu un enfant ensemble : Samuel, âgé aujourd'hui de 8 ans. Autiste, Samuel est scolarisé en classe Ulis à l'école Marie Curie de Marignane et ce week-end, c'est chez son père qu'il résidait, gardé comme beaucoup de fois par sa grand-mère.

Chloé était venue le récupérer dimanche soir sur les coups des 18 h 30. Alors que ce dernier se tenait encore dans la maison de son père, Chloé aurait été accostée par Ibrahima, selon une source proche de l'enquête, à l'extérieur de l'habitation alors qu'elle arrivait en voiture. Le ton serait monté au cours d'une discussion pendant laquelle le père de famille aurait alors cassé la vitre de la voiture de Chloé d'un coup de poing. Cette dernière aurait alors tenté de s'enfuir mais serait rentrée dans le mur de la résidence située non loin de là, à quelques dizaines de mètres plus loin. Poursuivant alors son ex-compagne, Ibrahima aurait cette fois tiré plusieurs coups de feu en direction de Chloé. Selon une autre source proche du dossier, 5 impacts de balles de calibre 7,65 auraient été observées sur le corps de la victime. Deux dans la tête, deux à l'abdomen et une autre dans un bras. Ibrahima, blessé, aurait alors pris la fuite à pieds dans le quartier.

Un mobile encore flou

Pendant ce temps, voisins et habitants des lieux auraient pris en charge la jeune fille, sortie de sa voiture en attendant l'arrivée des secours. Le petit garçon aurait également été gardé par sa grand-mère avant l'arrivée de la belle famille et compagnon de Chloé, complètement désemparés par ce coup de folie meurtrière. Chloé ne sortira malheureusement pas indemne de ce drame et décédera de ses blessures quelques minutes plus tard. Si plusieurs agents de police sont d'ores et déjà sur place pour constater l'effroyable, pas de traces d'Ibrahima et de l'arme du crime. Il faudra attendre de longues heures, 21 h 45 exactement, pour qu'une brigade du Groupement de Sécurité Publique (GSP) de Vitrolles, intercepte Ibrahima, blessé, groggy, érrant dans le quartier et n'opposant pas de résistance.

Du côté de l'arme du crime, une source policière proche de l'enquête avançait hier que l'objet du crime, une arme de poing, aurait pu être prêté par une tiers-personne et Ibrahima aurait expliqué ne pas pouvoir "dire où elle se trouve, craignant pour la vie de son fils", lui aurait-on averti. Toujours en garde à vue à l'heure où nous mettions sous presse, son sort n'a pas encore été décidé par la justice. Connu des services de police pour des faits "mineurs" de conduite sans permis ou encore de possession de stupéfiants, aucun élément dans le passé d'Ibrahima ne laissait pour l'instant présagé un tel passage à l'acte ou une quelconque information de violence conjugale. Jalousie profonde de voir son ex-compagne refaire sa vie. Coup de folie passagère. Misogynie exacerbée. L'effroi a laissé place aux doutes. "J'ai supposé que ça n'allait pas fort dans son couple pour l'avoir à plusieurs reprises entendu crier au téléphone dans le parc à côté de chez moi le soir. Nos fils étaient ensemble à l'école. Je le connaissais un peu du coup et suis triste de ce qui vient d'arriver", avoue Ghislaine. "Je sais que c'était compliqué. Son frère, Mustapha, était notamment mort en prison il y a quelque temps. Mais découvrir ça, c'est terrible", rajoute une voisine.

Une situation alarmante

Une situation terriblement injuste pour Chloé d'abord qui avait des projets plein la tête. Elle qui habitait Vitrolles depuis peu, puisqu'elle venait d'acheter un appartement avec son nouveau compagnon, distribuait des prospectus et travaillait le soir à l'aéroport pour mener à bien sa nouvelle vie. "Elle était seule à subvenir aux besoins de son fils son père ne l'aidant que très peu", explique une autre source anonyme proche du dossier.

Une situation terriblement injuste aussi pour Samuel. Ce petit garçon que la vie n'a déjà pas épargné, et qui ne connaîtra jamais sa petite sœur et plus jamais sa maman, et peut-être plus jamais son papa. Et une situation aussi terriblement compliquée pour les familles. "Je respecte beaucoup le rôle des journalistes mais là c'est très compliqué de parler. Je ne peux rien dire par peur de représailles' avouait encore hier, effondrée, la maman d'Ibrahima. "Victime" indirecte elle aussi de ce nouveau drame familial, coup de folie, geste de démence devenu, au fil des années, tristement banal dans une société malade. Celle où tous les deux jours, une femme meurt sous les coups d'un homme. Dans l'indifférence quasi-générale...

Matthieu BIGOUROUX, M.S. et E.M.


Les réseaux sociaux relaient l'émotion

Les réactions et les témoignages de condoléances sont nombreux sur la toile en réaction au drame de Marignane. Les internautes expriment à la fois leur tristesse, leur stupéfaction, leur émotion et leur colère bien sûr. Certains n'hésitent pas dans leurs commentaires à brandir le spectre de la peine de mort pour les meurtriers de femme et d'enfants. D'autres souhaiteraient plus d'efficacité de la justice face aux féminicides égrenant le décompte des femmes ou compagnes tuées par leur conjoint ou ex-compagnon.

Une intemaute (Sylvia Sinapi) a souhaité ouvrir un compte Leetchi d'une cagnotte globale de 1 500 euros espérant que les contributions pourront matériellement aider la famille. (https://www.leetchi.com)

Lili Petrone : "Quelle tristesse... 2 vies perdues et celle d'un petit garçon bouleversée.... Courage à la famille..."

François Contreras : "Ce qui est plus horrible et déconcertant, c'est qu'en 2019 il y est encore des femmes qui meurent sous les coups de leurs ex-maris et que malgré leurs plaintes, personne n'agit en leur faveur!!!"

Dalida Dalida : "Ces hommes, c'est in- croyable...! On les quitte et ils sont capables de nous tuer parce qu'on refait notre vie... C'est pas la première fois qu'une femme se fait tuer, parce qu'elle a quitté son compagnon et qu'elle refait sa vie. Triste et horrible. "

Christel Royer : "On rentre de vacances, on était dans le monde des bisounours et vlan la réalité nous rattrape... Encore et toujours cette violence.... Pauvre femme et pauvre minot qui va grandir sans sa maman et en sachant que son père est un assassin."

Noria Belalia Mehidi : "Il n'y a pas de mots pour qualifier ce drame, horrible épreuve pour ses proches et ce petit garçon qui perd sa maman dans des conditions atroces et qui doit grandir sans elle. Je leur souhaite beaucoup de courage et pense très fort à elle et eux."

Michèle Minouche : "Tout ça est terriblement triste. Cette jeune maman qui a perdu la vie, ce petit bébé qui n'a pas eu la chance de naître, ce petit garçon qui a perdu sa maman et un petit frère ou sœur qu'il ne connaîtra jamais. Il perd aussi son papa qui va passer des années en prison !!! Je ne me permettrais pas de juger !! Le désespoir, la jalousie, la colère aboutissent aux pires excès et à des actes impardonnables. Cette histoire est terrible et va anéantir plusieurs familles."

S.P-L.

Matthieu BIGOUROUX, M.S. et E.M. la Provence - mardi 6 août 2019
Matthieu BIGOUROUX, M.S. et E.M. la Provence - mardi 6 août 2019
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