Avenue du Maréchal Juin, le Moulin neuf détruit trop vite?
Une bâtisse a été rasée pour y construire un supermarché. Elle abritait pourtant un moulin dont les pièces n'ont pas été sauvées. Un manquement grave pour Michel Méténier, professeur d'histoire
Michel Méténier n'en revient toujours pas. Le long de l'avenue du Maréchal Juin, entre les grillages, il regarde, impuissant, le terrain vague. Dessus, il ne reste plus que de la poussière, des débris de ferrailles et de béton. "Je passe devant tous les jours. Il y avait un moulin, ici, il n'en reste plus rien", se désole ce professeur d'histoire au collège de Gignac, fin connaisseur de Marignane.
Pour le commun des mortels, difficile d'imaginer que l'imposante bâtisse, semblable à mille autres, abritait en ses murs un moulin, "vraisemblablement à huile". Seules de grosses lettres, que le temps avait pratiquement effacées, trahissaient la nature du lieu. On pouvait alors y lire "Moulin neuf". Le pressoir, lui, se trouvait au sous-sol, et "pourrait dater de 1780", croit savoir Michel Méténier, qui a tiré ses informations du livre Marignane, inventaire du patrimoine, publié en 2007 par Marcel Germain.
C'est désormais la seule trace qu'il reste de ce moulin. Et c'est bien ce que déplore Michel Méténier. "Même si ce moulin appartenait à un propriétaire privé, c'est vraiment dommage qu'on n'ait pas pu en tirer quelque chose. L'archiviste de la Ville aurait pu venir faire des photos. Le moulin aurait pu être démonté pour être exposé dans le musée des arts et traditions populaires Albert Reynaud. L'engrenage datait du XVII, siècle, l'époque des techniques et de l'encyclopédie, et aurait pu nous apprendre sans doute beaucoup de choses. Les pièces du pressoir, où sont-elles désormais ? C'est fini, 240 années du patrimoine de la ville ont été rasées. On parle beaucoup de l'importance du patrimoine en ce moment, avec l'incendie de la cathédrale Notre Dame, mais on se rend compte qu'en fait c'est du vent. Je suis persuadé qu'il ne faut pas faire table rase du passé. On vient de quelque part, et il faut garder ces traces."
Plus de moulin, désormais, mais Michel Méténier essaye tant bien que mal de percer ses mystères en feuilletant le livre de Marcel Germain. "Le meunier devait habiter au dessus. Sur la photo on voit le palan qui servait sans doute à déplacer les olives. l'imagine que c'étaient des animaux qui actionnaient le mécanisme. À moins que ce soit une dérivation de la Cadière, qui coule non loin de là ?"
Marc Bonatti privilégierait, lui, la piste de la source de Font Marignane pour l'irrigation du moulin. L'employé des archives municipales penche plutôt pour un moulin à grains. "Il a dû être construit entre 1750 et 1800.11 y avait déjà beaucoup de bouches à nourrir à l'époque. Je pense, en tout cas, que c'est un moulin qui a fonctionné longtemps. Sans doute jusque dans les années 1930."
Et d'assurer : "Le moulin n'était ni inscrit à l'inventaire de la ville, ni classé aux bâtiments historiques." Une absence des registres qui explique aussi, sans doute, sa fin peu glorieuse.
Simon JOUSSET