Torches industrielles: L'Etat sévit

Le préfet a pris un arrêté d'urgence concernant le pôle pétrochimique de Berre. Les maires saluent l'initiative  

Les épisodes de torches émanant des sites pétrochimiques, les riverains de Berre à Fos-sur-Mer en passant par Martigues-Lavéra, y sont habitués. Mais les derniers en date, provenant du site pétrochimique de Berre, visibles de toutes les rives de l'étang, ont attiré l'attention des services de l'État. Le préfet Pierre Dartout a annoncé hier avoir pris un "arrêté d'urgence" pour demander aux industriels concernés de s'expliquer. Une procédure exceptionnelle motivée par la récurrence de ces phénomènes. C'est leur répétition depuis quelques semaines qui a conduit les services de l'État à se pencher sur la question. "En conséquence, le préfet a pris un arrêté d'urgence qui vise, par la conduite d'analyse des épisodes récents de mise à la torche mais, plus généralement, des épisodes intervenus au cours de 2017 et 2018, à mieux comprendre les facteurs et raisons de ces épisodes et, partant, à en réduire l'occurrence pour l'avenir", indique la Préfecture dans un communiqué .

LyondellBasell, Basell Polyolefines (BPO) et la compagnie pétrochimique de Berre, nommément citées dans l'arrêté, vont donc devoir s'expliquer., transmettre rapports d’incidents et d'analyses d'ici trois mois.

A l'Est de l'Étang, les maires reçoivent depuis longtemps les doléances d'habitants qui se plaignent de ces rejets trop fréquents. A Rognac, une réunion publique organisée en mai avait permis au public d'en savoir davantage et de faire part de ses inquiétudes. "Mais aujourd'hui, l'inquiétude grandit, commente le maire Stéphane Le Rudulier. Lyondell Basell, qui minimise toujours les incident et nous traite parfois avec condescendance, nous doit davantage de transparence. En tout cas, je salue l'attitude du préfet, qui a pris ses responsabilités. La santé des populations, c'est une réelle préoccupation!'

A Berre, l'inquiétude est aussi prégnante. "Sept épisodes de torchage ont été recensés en 2017, et déjà quasiment autant depuis le début de l'année 2018, indique Mario Martinet, maire. J'avais justement écrit au préfet il y a quelques jours pour lui faire part de cette préoccupation grandissante. Pour les Berrois, à la nuisance visuelle s'ajoute la nuisance sonore, puisque de la vapeur est injectée dans la torche. Ce qui fait beaucoup de bruit. Enfin, en termes de santé, on se pose aussi beaucoup de questions, sur ce que contiennent ces fumées, justement". Ce qui rejoint l'une des demandes du Préfet, qui souhaite "évaluer plus précisément les impacts environnementaux et sanitaires". Dans leurs rapports, les exploitants "devront indiquer l'analyse quantitative des émissions de polluants dans l'environnement (spéciation des polluants émis et quantification pour chacun d'entre eux)". Ils devront aussi évaluer "l'impact environnemental et sanitaire de ces épisodes de torche cumulés sur la base de l'analyse des polluants émis et des mesures dans l'environnement."

Autant de demandes précises qui éveilleront sûrement l'intérêt d'autres maires régulièrement sollicités par leurs habitants après des torchages. Même si l'industrie rappelle régulièrement ses progrès, non sans raisons, l'Etat ne semble plus vouloir fermer les yeux sur ces épisodes souvent spectaculaires.

Eric GOUBERT Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.


MISE EN SÉCURITÉ

En préambule de son arrêté d'urgence, le préfet précise le rôle des torches utilisées dans les complexes pétrochimiques de la zone Étang de Berre - Fos.

"La mise à la torche est une procédure de mise en sécurité d'installations pétrochimiques, à la suite d'un fonctionnement non optimal d'unités sur le Pôle Pétrochimique de Berre", indique la préfecture. Qui précise : "Si la mise à la torche répond à un besoin de sécurité, le recours à cette procédure n'a pas vocation à être fréquent d'autant qu'il entraîne des nuisances pour les riverains situés à proximité du site."


LES EXPLICATIONS DE PHILIPPE GOY DIRECTEUR HSE LYONDELL BASELL BERRE

"Nous avons bon espoir d'avoir mis fin à ce phénomène"

  • Comment expliquer ces épisodes de torche récurrents? Un vapocraqueur est une unité pétrochimique qui peut avoir un ou deux déclenchements par an, mais pas autant que ces deux dernières années. Cela est dû à des dysfonctionnements, que nous avons identifiés et corrigés début juillet, en intervenant sur une turbine de nouvelle génération, qui avait été changée lors du grand arrêt de 2016. Mardi, c'est un défaut sur un câble électrique qui a été à l'origine du déclenchement du vapocraqueur. Il a été isolé. Nous avons bon espoir d'avoir mis fin à la récurrence des épisodes de torches.
  • Quel est l'impact sur la sécurité du site? Quand la torche est actionnée, tous les gaz sont brûlés. En termes de sécurité, il n'y a pas de risque d'explosion. Nous ne contestons pas l'aspect visuel et sonore engendré, mais la sécurité est alors assurée.
  • Et en termes de santé? Lors d'une réunion organisée à Rognac avec les riverains, AirPaca a pu expliquer que ses capteurs n'enregistraient pas de hausse de niveaux de polluants, notamment de benzène, lors de ces épisodes de torches. Ce qui s'explique par le taux de rendement de la torche (99,5 %), sa hauteur (plus de 100 m) et la dispersion rapide constatée. Mais nous ne remettons nullement en cause la gêne que cela représente pour les riverains.

E.G.

Eric GOUBERT la Provence - vendredi 20 juillet 2018
Eric GOUBERT la Provence - vendredi 20 juillet 2018

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