Le pharmacien s'improvise réparateur de réseau internet

Sans téléphone depuis six mois, il est contraint d'encaisser ses factures chez son voisin  

Des propres mots de l'intéressé lui-même, la situation est des plus "ubuesques." Si aujourd'hui, Nicolas Héraud prend ce qu'il lui arrive avec un soupçon de philosophie, c'est parce qu'avec le temps, contraint et forcé malgré tout, il n'a plus que ça à faire.

Depuis plusieurs mois en effet, ce pharmacien de l'avenue du Maréchal Juin n'a plus de réseau de téléphonie fixe. Un système pourtant oh combien primordial lorsque l'on sait l'importance pour n'importe quel commerçant professionnel de santé d'utiliser un réseau électrique pour payer ses factures, renseigner ses patients ou bien encore communiquer quotidiennement avec la sécurité sociale. Les mésaventures du pharmacien ont débuté il y a bientôt six mois. Nicolas Héraud possède alors trois lignes de téléphone fixe. Une pour son fax, une pour son terminal de carte bancaire et une dernière pour son standard téléphonique.

Tout son réseau hors-service

Le 6 juin, son fax commence alors à donner quelques signes de faiblesse jusqu'à définitivement s'arrêter trois jours plus tard. Dans la foulée, à la fin du mois de juin, c'est tout son système téléphonique qui rend l'âme. Carte bancaire comme standard téléphonique. Il passe alors un coup de fil auprès de son opérateur Bouygues Telecom pour régler cette situation. "Ils m'ont stipulé que j'étais un professionnel et que la situation serait donc réglée dans les 24 heures. Cependant, après plusieurs tests, l'opérateur m'indique qu'il n'y a aucun souci sur ma ligne mais que le problème proviendrait de l'extérieur" indique Nicolas Héraud. Il faut donc que ce dernier se rapproche d'Orange, propriétaire historique de la ligne. Ces derniers lui refusent alors une intervention car des travaux auraient lieu sur l'avenue du 8 mai, érigée selon la société Orange, en zone de délestage. Un procédé qui permet l'arrêt temporaire de l'électricité sur certaines zones afin de récupérer l'équilibre entre l'offre et la consommation d'énergie générale. "Le hic, c'est qu'à cette période-là, les travaux extérieurs étaient déjà terminés. L'opérateur Orange m'a stipulé dans le même temps, que le maire de la ville aurait procédé à un arrêté pour interdire une quelconque intervention. Des propos démentis fermement par le principal intéressé. Toute cette situation est usante..." Orange, opérateur historique -ancien officiel France Telecom- dérogerait-il à ses devoirs de service publics? Qui plus est à un administré non répertorié dans son carnet de clientèle? Les questions peuvent se poser tant le dossier de Nicolas Héraud a été géré de façon très peu professionnelle.

Les opérateurs se renvoient la balle

A ce jour, Bouygues Telecom continue un service minimum en envoyant trois mails informatifs par semaine au pharmacien (correspond aux trois lignes téléphoniques relatives à son commerce) pour s'assurer un minimum de service client et expliquer que le réseau filaire n'est pas de sa compétence.

Du côté d'Orange, il y a quelques semaines, un technicien s'est cependant déplacé. Il a changé 70 mètres de câble dans la rue et a investi tout le câblage téléphonique de l'immeuble. Le fax de Nicolas Héraud a réapparu mais de façon aléatoire. La ligne standard, elle, ne fonctionne cependant toujours pas et le TPE carte bancaire n'a pour l'instant aucune liaison avec un centre de vérification. "Selon certains types de carte bleue, le paiement ne fonctionne pas ou est extrêmement long. Je suis parfois obligé de refuser des paiements ou de créer des ardoises pour les clients. Ceux qui ont des cartes pré- payées par des mutuelles, on n'y pense même pas. J'ai aussi deux téléphones portables en guise de standard. Bouygues m'a fourni un routeur de support internet 4 G. Cela a sauvé ma pharmacie! J'ai internet mais à quel prix? Je suis obligé d'aller au commerce d'à côté pour valider mes envois carte bleue pour la banque. Sans internet, c'est très compliqué d'exister pour un pharmacien. J'ai des factures à gérer et à envoyer à la sécurité sociale et en fait aujourd'hui, en tant que professionnel de santé, je fais plutôt de la débrouille et on passe pour des imbéciles devant des clients agacés!"

Avec plusieurs salariés sous son aile, Nicolas Héraud a voulu redevenir client d'Orange pour obtenir une liaison internet par fibre et faciliter par la même occasion sa situation. Après la rencontre avec un commercial, "on m'a dit qu'on ne savait pas si j'étais éligible finalement à la fibre!" Décidément, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas.

M.B.