Crise à Air France - Marignane tremble

Le géant Air France bat de l'aile

L'image de la compagnie souffre et les négociations reprennent à zéro. Un seul objectif pour les salariés : conserver leur emploi

Torses nus, chemises arrachées, escaladant un grillage pour échapper à des salariés hors de contrôle: les Images des dirigeants d'Air France ont fait le tour du monde et pourraient, comme le craint le président Hollande, avoir des "conséquences sur l'image, sur l'attractivité de la France". Le chef de l'État a dénoncé, hier, des violences "inacceptables" qui peuvent avoir des "conséquences sur l'Image, sur l'attractivité" de la France qui cherche Justement à regagner en compétitivité et attirer des capitaux étrangers. De son côté, le Premier ministre, Manuel Valls, a promis des "sanctions lourdes" contre les "voyous" responsables des violences contre les dirigeants d'Air France et appelé les pilotes à la "responsabilité dans la négociation du plan de redres-sement qui menace plusieurs milliers d'emplois dans les prochaines années. Le duo exécutif a également, un peu plus tard dans la Journée d'hier, répliqué aux propos de Nicolas Sarkozy, qui a vu notamment dans les incidents de lundi, une manifestation de la "chienlit" et du "délitementde de l'État".

"Nous ne sommes pas en 1791 Nous ne pouvons pas accepter que deux dirigeants soient au bord de se faire lyncher par des hommes en tenue de syndicaliste, avec des syndicats qui ont pignon sur rue et qui ont tous appelé à voter pour François Hollande en 2012", s'est emporté l'ancien chef de l'État lors de la réunion du groupe Les Républicains à l'Assemblée. "Plus rien n'est respecté, rien ne semble plus respectable", a dénoncé Nicolas Sarkozy, évoquant pêle-mêle le conflit social à Air France, le mouvement de grève des médecins ainsi que la fusillade au cours de laquelle un policier a été grièvement blessé en Seine-Saint-Denis. Même s'il est en désaccord avec les déclarations de l'ancien président français, Manuel Valls a toutefois reconnu que "ces images font mal à notre pays"; lui qui vient de lancer, en marge de sa visite au Japon, une vaste campagne baptisée "Creative France" visant à favoriser le rayonnement économique de l'Hexagone. Mais "ce que nous avons eu comme image, ce n'est pas la vraie image d'Air France et ce n'est pas la vraie image de la France", a nuancé le ministre des Finances, Michel Sapin, à Luxembourg.

La presse anglo-saxonne s'est aussi emparée de l'Incident, condamné tous azimuts, en dénonçant le syndicalisme et une frilosité à la française face aux réformes. Dans un éditorial, le Wall Street Journal tire, par exemple, à boulets rouges sur "les opposants à la réforme, particulièrement à gauche" et "les politiques qui induisent la stagnation, augmentent les coûts humains du changement". Le New York Times et The Guardian, eux, rappellent que depuis la crise de 2008, plusieurs patrons ont été pris en otage par du personnel en colère, ou que des biens ont été endommagés par des salariés voulant faire valoir leur point de vue.

"Ils veulent nous remplacer par des machines"

Ce qui s'est passé hier à Paris ça peut arriver ici; quand les gens recevront les premières lettres", analyse, désabusé, un agent d'Air France en poste au service du tri à l'aéroport de Marignane. Au lendemain de l'agression du DRH de la compagnie à Roissy, l'ambiance est plus que morose dans le hall 4. La veille, les salariés ont même débrayé 3h dans la journée, à l'appel de la CGT qui annonçait, lors d'une assemblée générale, plus d'une centaine de licenciements, alors que la direction, elle, préfère parler de suppression de postes (lire ci-dessous). De quoi dégoûter un peu plus les employés de la base marseillaise, dont certains, après des années d'ancienneté, commencent à envisager de se voir contraint de quitter l'entreprise. "Ça fait 30ans que je travaille là, et je n'ai Jamais vu ça", dénonce une salariée. "Ça", c'est une situation d'incertitude, face à l'avenir. "je suis entrée en 1997, j'ai connu plusieurs directions, et c'est la première fois que Je n'ai pas confiance", souligne une Jolie hôtesse, chargée d'orienter les clients, qui avait embrassé, il y a 18 ans, la carrière avec la fierté de porter l'uniforme d'Air France. "Nous on a le retour direct du client qui nous dit qu'on ne se dirige pas vers le mieux" poursuit la professionnelle qui garde, avec ses collègues, un souvenir amer de la saison estivale. "On est habitué à un surcroît d'activité en Juillet, mals là on était deux fois moins nombreux, les clients étaient très mécontents, il y avait des files d'attente", racontent les professionnelles. Le CHSCT a même répertorié seulement deux agents, sur une tranche horaire, durant cette période au service de "dépose bagage", alors que "les normes d'Air France en prévoient 11", précise Serge Bodrero, le secrétaire CGT.

Aujourd'hui, le mal-être est bien palpable parmi les agents, en particulier à Marseille où, 4 ans après avoir créé une base, Air France évoque la nécessité d'améliorer la productivité. "Tous les salariés ont accepté de faire les efforts demandés par la direction, nos salaires ont été gelés, Je suis passé de 170 à 190 heures de travail et maintenant on nous annonce que c'est pas assez? commente Nabil, basé à l'enregistrement et délégué CGT. "Nous, on est en droit de se dire où sont les projets d'Air France? Ici, on voit de plus en plus de passagers, pourquoi la compagnie ne participe pas à cette embellie?" Après quatre plans de départ volontaires successifs, les agents d'Air France ont le sentiment de ne pas être entendus, ni considérés, "lls veulent nous remplacer par des machines", glissent-ils en montrant les automates. "Nous, on est là pour apporter du service, et on nous demande d'orienter les clients sur internet . Une trahison, à leurs yeux.

LES GRANDS MOUVEMENTS DEPUIS 1998 1998:

Grève des pilotes entre le 1e et le 10 juin, contre la réduction de 500 millions de francs de la masse salariale annuelle des pilotes grâce à un échange salaire contre actions. 2002: six syndicats ont appelé à faire grève pour réclamer une augmentation globale des salaires de 10 %, alors que la compagnie préparait sa privatisation complète. 2008: les pilotes protestent contre le projet de report de l'âge maximal de départ à la retraite de 60 à 65 ans. 2012: Mouvement contre la loi Diard sur le droit de grève.

Une periode de negociations débute à Marseille

l'aéroport de Marignane, on sent que le rapport de force est déjà engagé, entre la direction et les représentants syndicaux, en particulier la CGT, restée en tête sur la base marseillaise lors du scrutin de mars dernier, alors que la centrale accusait un recul au plan national. "C'est parce qu'on dit la vérité aux salariés", estime Serge Bodrero, le volubile secrétaire de la section CGT Air France Marseille, mais aussi du CHSCT et, depuis mars, élu au comité central d'entre prise et président de la commission économique centrale. Des instances où il défend un autre plan de redressement pour la compagnie, non pas basé sur la suppression d'emplois, mais sur la remise en question d'une gestion jugée plus qu'hasardeuse. "Le plan Transform prévoyait 20% d'économie sur les personnels au sol, autant par les navigants, mais aussi pour la direction, et aujourd'hui on ne sait pas si cette dernière les a atteints". Pour le syndicaliste, les décisions prises au plus haut niveau ne sont pas toujours très judicieuses. Comme la décision de fermer les lignes moyen courrier à Marseille, en direction de Moscou, Tunis, Marrakech ou encore Alger, aussitôt récupérées par d'autres compagnies "Pour Rome on était les seuls, aujourd'hui c'est une destination desservie par 4 concurrents", regrette le secrétaire.

Philippe Maudet, le directeur régional Air France Méditerranée, balaie la question en une seule phrase "ces lignes étaient déficitaires". Car visiblement pour l'encadrement, le mot d'ordre tient en une formule : améliorer la productivité, en particulier de la base de Marseille, comme celles d'Ajaccio et Bastia, si l'on en croit la feuille de route des négociations en cours concernant cette fois-ci, les courts courriers. Mais tandis qu'Aimé Musto, secrétaire général adjoint CGT du comité central d'entreprise, évoque un effort de productivité de 13,9MC à réaliser d'ici 2017 à Marseille, ainsi que 5,2MC à Ajaccio et 4,6 MC à Bastia, le directeur Méditerranée, lui, affirme que de tels chiffres, en tout cas concernant Marseille, n'ont jamais été avancés."Certai- nes escales ont des différentiels de coûts non pas avec la concurrence mais avec les meilleures escales traitées par Air France (comme Bordeaux, Ndlr). Il y a à peu près 20% d'écart. On sait faire ailleurs avec la même qualité client, il est important de travailler sur ces coûts, d'améliorer la productivité".

La CGT, elle, s'attend à voir quelque 185 licenciements àMarseille, et prône notamment l'effet de Noria, autrement dit le remplacement de salariés anciens par des plus jeunes, pour limiter la casse. La direction préfère parler de suppression de postes, et des discussions qui ne font que commencer. Première réunion prévue le 13 novembre.

Marie-Cécile BÉRENGER

LE TÉMOIGNAGE d'Aimé Musto, CGT

Il a protégé le DRH "Quand vous voyez quelqu'un en détresse, qu'est-ce que vous faites?" C'est aussi simple que ça. Si Aimé Musto fait partie de ceux qui se sont interposés, lundi, entre les salariés d'Air France en colère et le DRH de la compagnie, pour préserver ce dernier, c'est pour cette unique raison. "On est là pour organiser les salariés en vue de gagner dans les négociations", rappelle ce militant CGT de longue date, entré à Air France à Marseille en 1979 comme bagagiste, où il a très vite acquis son premier mandat, en 1987. "J'ai connu 1993" revendique le syndicaliste marseillais faisant référence à l'un des plus durs mouvements de grève qu'ait connue l'entreprise, poussant le PDG de l'époque à la démission, et le retrait d'un plan qui prévoyait la suppression de 4000 emplois et 5,1 milliards de francs d'économies. Depuis l'homme a connu d'autres combats syndicaux, et s'apprête aujourd'hui à en vivre un nouveau. "Pour les cadres dirigeants, Air France c'est une ligne sur leur CV, pour nous, salariés, c'est 20, 30, 35 ans de notre vie, c'est notre entreprise", explique le cinquantenaire, prêt à se lancer dans les négociations pour préserver l'emploi à Marseille et surtout conscient de l'exaspération galopante parmi les salariés. "Nous avions prévenu la direction qu'il pourrait y avoir des débordements, que les gens étaient exaspérés, ils subissent la pression sociale depuis 2009 des conditions de travail qui se dégradent, beaucoup de burn out", témoigne Aimé Musto de retour de Paris. "Nous avions alerté la direction, ils ne nous ont pas écoutés, la CGT a pris ses responsabilités, on peut être adversaires, mais il y a des hommes et des femmes derrière ça". La suite on la connaît, comme en attestent les images diffusées par différents médias. Dans une interview donnée au Point, Xavier Broseta, le DRH d'Air France, a confié avoir remercié par texto les deux syndicalistes qui l'ont protégé. Un petit message qu'Aimé Musto a conservé, même s'il a, depuis, revêtu son costume de représentant CGT, pour mener les négociations qui s'annoncent.  

M.-C.B.

Marie Cécile Berenger la Provence - mercredi 7 octobre 2015

A Marignane, l'ambiance est plutôt morose parmi les salariés qui s'estiment trahis par la direction, après des années d'efforts.

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